« Pacifier le Liban, c’est contribuer à régler le problème de l’Irak »
En dépit du rôle actif qu’il joue dans la conférence de la réconciliation qui réunit actuellement au Liban les représentants des différentes communautés, le président Amine Gemayel a pris le temps d’un aller-retour à Paris pour répondre à l’invitation de l’Institut Aspen France.
Le jeudi 18 septembre, l’ancien chef de l’Etat a livré aux jeunes dirigeants politiques réunis en séminaire son témoignage de l’exercice du pouvoir dans un pays déchiré par la guerre. Le lendemain, il s’adressait à un auditoire plus diversifié, composé d’élus, de dirigeants d’entreprises, de hauts fonctionnaires et d’universitaire. Il se montrait relativement optimiste pour l’avenir de son pays.
« Le Liban a été instrumentalisé par d’autres. Les partis commencent à se rendre compte de la manière dont ils ont pu être manipulés. Cette prise de conscience nous donne des raisons d’espérer. »
Evoquant la récente reprise du dialogue national entre les différents groupes politiques à Beyrouth, l’ancien président a estimé que des progrès ont été enregistrés : « Il faut que nous puissions consolider ce dialogue, la situation reste précaire. Il existe cependant des signaux encourageants, comme la réouverture du Parlement et cette ébauche de dialogue qui marque le coup d’envoi d’une nouvelle étape. […] Nous croyons à la culture de la paix, du dialogue et de la tolérance. Actuellement, au Liban, nous sommes en train de développer une culture de l’ouverture, de la paix. Nous savons la nécessité de reprendre un dialogue serein. Nous le savons tous, même les chiites les plus extrémistes. […] Nous sommes fatalement obligés de nous entendre, on ne peut pas se payer le luxe de continuer la guerre. Les bonnes volontés ne manquent pas et je pense que nous sommes sur la bonne voie, un dialogue réel et constructif est possible. »
Pour l’ancien président, « le Liban est un microcosme, qui peut apporter une contribution réelle aux problèmes de la société. […]Pacifier le Liban, c’est aussi contribuer à régler le problème de l’Irak ».
« Le Liban peut jouer un rôle pédagogique qui pourrait intéresser les pays étrangers. Dans les années 50/60, nous avons joué un rôle important, en mettant en place une décentralisation qui permette de sortir du clientélisme, nous avons créé un Etat laïc et opté pour une neutralité positive, transformant le Liban en un espace universel où coexistent diverses communautés. »
Amine Gemayel souhaite que soit instauré un système qui permette de résoudre les conflits et surtout de les prévenir. « Nous pourrions y parvenir à travers la création d’un centre des nations unies au Liban » suggère-t-il. La résolution des conflits passe bien sûr par des mesures économiques, dans la mesure où la pauvreté alimente la violence.
Interrogé sur la menace que fait peser le Hezbollah, le président Gemayel s’est dit confiant que, lorsque la crise iranienne sera résolue, le Hezbollah perdra sa raison d’être. Plus grave que l’intégrisme chiite est, selon lui, la menace que présente le fondamentalisme sunnite. « La révolution chiite est éphémère, épisodique. Au Liban les chiites voulaient la libération des territoires, qui est presque réalisée », a-t-il expliqué.
A un participant qui lui demandait quelle personnalité pourrait aujourd’hui incarner cette recherche de la paix, Amine Gemayel a regretté que « Gandhi n’existe pas au Liban » mais rappelé : « nous sommes assis autour d’une table de conférence. »
Evoquant rapidement le lourd tribut payé par sa famille à la violence politique, le président Gemayel a eu ces mots « La guerre et la souffrance sont riches d’enrichissements, même si c’est une pédagogie qui s’écrit en lettres de larmes et de sang. »