Visioconférence Belles Feuilles avec Didier Leschi

A l’occasion de la réunion Belles Feuilles du 25 janvier et la sortie de son livre « Ce grand dérangement : L’immigration en face » (Tracts Gallimard, novembre 2020), l’Institut Aspen France et Henner ont eu le plaisir d’accueillir Didier Leschi, Directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), pour une discussion sur le thème : « Immigration : Un état des lieux lucide et sans concession ».

A travers ce tract de 64 pages, l’ancien préfet nous donne à voir une réalité complexe de l’immigration dans notre pays. Didier Leschi souligne en effet la situation singulière de la France dans les processus migratoires. De fait, l’immigration en France a été largement liée à une situation de crise économique et industrielle où la politique de regroupement familial a alors été mise en place. Ce qui n’est pas le cas d’autres pays européens.

De plus, l’origine des populations immigrées a fait l’objet d’un « basculement ». Dans les années 1950, ce sont majoritairement des populations du sud de l’Europe qui s’installent en France, notamment d’Italie et d’Espagne. A partir des années 1970-1980, ce sont des populations des pays du « sud du monde » qui arrivent dans l’hexagone. Contrairement aux populations européennes, ces immigrés du « sud du monde » sont moins formés et rencontrent plus de difficultés d’intégration une fois sur le sol français. Enfin, Didier Leschi remarque que l’intégration par le travail qui se faisait autrefois par le sentiment d’appartenance à un collectif professionnel, tel que le mouvement ouvrier, a aujourd’hui largement disparu. C’est d’ailleurs une des raisons qui expliquent le repli communautaire et le retour du religieux chez les populations immigrées.

Pour autant, le Directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration tient à noter que contrairement aux critiques régulièrement développées à l’égard des politiques migratoires françaises, le système français est beaucoup plus ouvert que celui de certains de ses voisins européens. La France ne conditionne pas la délivrance de visas à un certain niveau de langue en français par exemple, et est un des seuls pays à délivrer des titres de séjour pour des soins médicaux. La France offre également la gratuité des soins et des formations aux détenteurs d’un titre de séjour.

Cependant, ces avantages ont également des conséquences. Le manque de travail pour des jeunes ne disposant pas de formations solides ni de bonnes connaissances du français participent à une situation de précarité sociale et à une concentration des populations immigrées défavorisées sur certains territoires. De fait, Didier Leschi regrette le manque de politiques européennes migratoires communes car la France se retrouve confrontée à l’afflux de populations immigrées qui sont les « perdants du système migratoire européen ». Des populations moins formées qui ont d’abord été rejetées par l’Allemagne, la Suède, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni. Or, si la France n’est pas ou plus la destination prioritaire des réfugiés et requérants d’asile, elle reste un pays d’immigration avec une forte affluence des populations venues du Maghreb et d’Afrique sub-saharienne.

Pour Didier Leschi, ces éléments conjoncturels réunis ne permettent pas d’offrir des perspectives d’avenir idéales aux populations immigrées et conduit dans certains cas, à un ressentiment à l’égard du pays d’accueil, favorisé par des prédicateurs religieux ainsi qu’un discours identitaire radical visant à structurer les diasporas que certains pays d’origine comme la Turquie utilise depuis plusieurs années. Cette situation se détériorant, Didier Leschi préconise d’adopter de nouvelles politiques d’immigration, plus adaptées à notre situation économique, tout en restant ouvert à l’accueil de populations réfugiées. Selon lui, durcir les conditions d’obtention de titres de séjour par le biais de formations imposées, d’un niveau de langue requis et de contraintes économiques ne permettra sûrement pas de résoudre toutes les problématiques liées à l’intégration des populations immigrées, mais c’est un premier pas que les pouvoirs publics devraient considérer pour répondre aux préoccupations des français.

 

 

Didier Leschi :

Profession

Préfet

Parcours

Directeur général de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (Janvier 2016-)

Préfet délégué pour l’égalité des chances auprès du préfet de la Seine-Saint-Denis (avril 2013-décembre 2015)
Chef du service de l’accès au droit et à la justice et de la politique de la ville à l’administration centrale du ministère de la Justice (juin 2008-avril 2013)

Chef du bureau central des cultes au ministère de l’Intérieur (juillet 2004-mai 2008)

Chargé de mission pour la politique de la ville auprès du préfet de la Région Rhône-Alpes, préfet du Rhône (avril 2002-juin 2004)

Chef de cabinet du préfet de la région Île-de-France (1999-2002)

Autres fonctions

Président de l’Institut européen en science des religions 

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