Visioconférence avec Pascal Lamy

Jeudi 27 mai 2021, l’Institut Aspen France, la Banque Mondiale et EY ont eu le privilège d’accueillir Pascal Lamy, Président du Paris Peace Forum, Ancien Directeur général de l’Organisation Mondiale du Commerce et Président des Rencontres Europe-Afrique d’Aspen France lors d’une visioconférence sur le thème « Paix et Développement : Vers la refondation du partenariat entre l’Europe et l’Afrique ». Une relation partenariale entre les deux continents s’impose comme étant une solution adaptée aux défis contemporains auxquels ils sont confrontés.

Quatre enjeux majeurs ont été soulevés par les intervenants : la question de la croissance, les transitions écologique et digitale, la sécurité et le cadre institutionnel. Premièrement, l’augmentation de la population en Afrique creuse un écart entre sa forte croissance démographique et sa croissance économique plus lente, tandis qu’en Europe, le vieillissement de la population crée un défi pour le maintien de son modèle social. L’immigration s’impose comme étant une solution adaptée au vieillissement de la population en Europe, reste à réunir les conditions culturelles et économiques d’accueil.

Sur le plan de la transition écologique, l’Afrique sera confrontée de façon prégnante à l’impact du changement climatique sur son économie, tandis que l’Europe devra solidifier et maintenir sa position de leadership en matière de lutte contre le changement climatique. Quant à la transition digitale, l’Europe peine à s’implanter dans cet écosystème en tant que leader. En Afrique, l’enjeu est de déterminer si le continent passera ou non par une étape industrielle. Le digital constitue une opportunité pour le continent afin d’assurer une digitalisation des services publics, faciliter la mise en œuvre politiques de développent, mais également afin de lutter contre la corruption et assurer une meilleure collecte des impôts par exemple.

Enfin si les Européens bénéficient d’institutions fortes, et se heurtent à un sentiment d’appartenance faible, le fort sentiment d’appartenance des Africains se heurte quant à lui à des institutions faibles. Ainsi, ce faible sens d’appartenance chez les Européens est à l’origine de turbulences politiques, issues de poussées populistes, instrumentalisant la question de l’immigration, constituant ainsi la première source d’insécurité sur le continent. L’Afrique du fait de la faiblesse de ses institutions est confrontée au développement de mouvements fondamentalistes et djihadistes. Cette symétrie constitue un argument en faveur de cet effort partenarial afin de co-construire un écosystème institutionnel plus solide en Afrique, et mieux aborder les questions d’appartenance en Europe.

Les intervenants ont également souligné les problématiques nouvelles posées par la crise sanitaire, en particulier sur le continent africain. Là où l’Europe a été en mesure de mobiliser ses ressources pour amoindrir les conséquences socio-économique de la crise (environ 20 à 30% de son PNB), l’Afrique n’a pas été en mesure de mobiliser autant de moyens, et la plupart de ses états sortira de la crise fragilisée et appauvrie, créant des risques d’insécurité.

Les principaux obstacles à cette relation partenariale identifiés par les intervenants sont les divergences d’opinions au sein de l’Union Européennes, les risques de turbulences politiques et la faiblesse des structures de gouvernance. C’est pour cette raison que les intervenants ont préconisé de s’appuyer sur la société civile et le tissu entrepreneurial. Ce partenariat est envisagé comme étant plus près du terrain, axé sur des projets, des initiatives, et de l’impact, au contact de la société civile et des TPE locales.

Il a été rappelé que si l’Afrique a le choix de ses partenaires dans le monde, ce n’est pas le cas de l’Europe. Ainsi, à ce changement d’échelle doit se supplanter un changement de narratif et de mentalité loin du paternalisme et des relations de domination du passé, afin que l’Europe constitue un partenaire de choix. Pour cela ce partenariat devra être davantage basé sur la prise en compte des divergences de sensibilités entre les différents acteurs, afin de mieux identifier les besoins communs, le respect de l’autodétermination des Etats, et de leur souveraineté devra également être respecté. Ensuite, ce partenariat se doit d’avoir vocation à investir dans la compétence, encourager les réformes mais surtout rendre les différents états et partenaires africains autonomes et auto-suffisants. Reste à parvenir à atteindre un consensus au sein de l’Union Européenne quant à la direction que ce partenariat Europe Afrique devra prendre.

Toutes ses problématiques, et enjeux seront revisités et explorés davantage à Annecy lors du 14ème Forum Europe-Afrique de novembre.


Pascal Lamy a exercé deux mandats consécutifs de Directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) de septembre 2005 à septembre 2013. Européen engagé et membre du Parti socialiste français, il a été directeur de cabinet du Président de la Commission européenne, Jacques Delors, de 1985 à 1994. Il a rejoint ensuite le Crédit Lyonnais en tant que Directeur général jusqu’à 1999, avant de retourner à Bruxelles en tant que Commissaire au commerce jusqu’à 2004. Pascal Lamy est diplômé de l’École des Hautes Études Commerciales (HEC) de Paris, de l’Institut d’Études Politiques (IEP) et de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA).

Pascal Lamy a été nommé en 2019, Président du Paris Peace Forum. Il est également Président du Comité national français du Conseil de Coopération économique du Pacifique (PECC). Il partage ses autres activités entre l’Institut Jacques Delors, dont il est président emeritus, la présidence du Comité mondial d’éthique du Tourisme, la présidence du Paris Peace Forum et divers mandats ou missions à caractère international. Il est par ailleurs Président du conseil d’administration des Musiciens du Louvre  (Orchestre de Marc Minkowski), membre du Conseil d’administration de de la Fondation nationale des Sciences politiques, de la Fondation Mo Ibrahim, de la Thomson Reuters Founders Share Company, de Transparency International France et du Center of Regulation in Europe (CERRE), conseiller senior du Brunswick group, de Trade Mark East Africa (TMEA) et du World Trade Board, membre du Conseil consultatif de Transparency International, de l’Oxford Martin School, d’UNITAID et de l’Institut Friedland, et Professeur affilié à HEC. Il est également membre du Global Future Council sur la gouvernance régionale du World Economic Forum.   

Pascal Lamy est auteur de divers ouvrages et rapports consacrées à la gouvernance mondiale, à l’Europe et au commerce international. Dernières parutions : Now for the long term (Oxford Martin Commission, 2013); The Geneva Consensus (Cambridge University Press, 2013); Quand la France s’éveillera (Odile Jacob, 2014); Où va le monde ? (Odile Jacob, 2017)

Pascal Lamy intervient également au profit, entre autres, de l’Institut Jacques Delors, sur des sujets liés à la globalisation, à la gouvernance globale, au commerce international, à l’économie internationale, à l’intégration régionale, à l’Europe et à la France.

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