Visioconférence avec Hubert Védrine, ancien Ministre des Affaires étrangères

Jeudi 1er avril 2021, l’Institut Aspen France et EY ont eu le plaisir d’accueillir Hubert Védrine, Ancien Ministre des Affaires étrangères et Administrateur de l’Institut Aspen France, pour un déjeuner géopolitique par Zoom sur le thème : « Géopolitique : pour construire l’avenir, comprendre le passé ».

Le « Dictionnaire amoureux de la géopolitique » de l’ancien ministre des affaires étrangères se présente comme un outil dont l’ambition est de lutter contre l’amnésie de nos sociétés contemporaines et de replacer au centre les faits historiques.

On découvre ainsi dans cet ouvrage d’histoire, des sujets et des évènements qui l’animent et qui le passionnent, conter avec malice. L’histoire est essentielle pour tenter d’appréhender les défis que nous traversons actuellement. On ne peut pas comprendre le monde actuel si on ne saisit pas l’idée profonde que les chinois se font de la Chine, ainsi que les passés refoulés des russes ou d’autres nations explique Hubert Védrine.

Aujourd’hui, l’humanité toute entière doit affronter la même menace. Contrairement au 11 septembre par exemple qui n’avait touché que le monde occidental et aux crises économiques qui n’ont pas eu les mêmes conséquences ni les mêmes effets partout. De plus, ces évènements n’étaient pas soumis à la même temporalité car aujourd’hui nous bénéficions d’une connaissance instantanée de toutes les évolutions de la pandémie. Or, comme nous l’avons vu, les réactions ont été très différentes face à cette menace. Alors que cette crise aurait pu faire émerger une réponse globale, ce ne fut pas le cas.

Il faudra tirer des leçons de cette crise ainsi que les bonnes pratiques des pays, mais entretemps la compétition continue. La Chine continue de s’affirmer, la volonté américaine de ne pas se laisser passer devant se renforce et les européens n’arrivent toujours pas à se mettre d’accord sur les questions stratégiques.

Ainsi, Hubert Védrine ne considère pas que l’épidémie a accouché d’un nouveau monde géopolitique, elle a plutôt intensifié et aggravé les tendances qui étaient déjà à l’œuvre avant la crise. Son constat : le monde actuel est dominé par le grand bras de fer entre la Chine et les États-Unis.

Or, pour l’ancien Ministre, l’arrivée du Président Biden en janvier et son souhait de retour au sein des enceintes multilatérales ne doit pas faire baisser la garde aux européens. Le multilatéralisme n’est pas une idéologie, mais une méthode, un cadre. Les américains reviennent dans le multilatéralisme pour y exercer leur leadership et non pas pour se soumettre aux règles du multilatéralisme. Ce que nous pouvons retenir des premiers mois de Biden c’est que la priorité des américains est d’endiguer l’ascension chinoise.

Les européens ne doivent pas s’enfermer dans une posture anti-Poutine en suivant les sanctions américaines contre le régime russe. Cette réaction face à Poutine est exagérée pour Hubert Védrine qui souhaite que l’on n’abandonne pas le projet de renouer les relations avec la Russie, qui se tourne de plus en plus vers la Chine.

Pour cela, l’Europe doit faire un vrai travail sur elle-même, sur ses objectifs et sur son rôle dans l’avenir. Pour l’ancien Ministre, l’Europe depuis l’origine n’a jamais été conçu pour être une puissance. L’Europe est la fille de la paix mais n’a pas fait la paix. Les blocages que nous connaissons dans l’Europe ne sont pas dû aux procédures ou à la bureaucratie mais c’est un problème mental. La volonté ou non d’avoir une position stratégique et de faire émerger une politique étrangère commune.

Cependant, Hubert Védrine regrette la plupart des critiques faites à l’Europe qu’il considère injustes. L’Europe doit faire l’inventaire de tout ce qui a été fait et des bonnes pratiques sur la pandémie et sur la coopération qui en est sortie mais il ne doute pas de sa capacité à se réinventer.

 

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