QUELLES VOIES NOUVELLES POUR L’ÉCONOMIE MONDIALE ?

Rencontre avec Jean-Hervé Lorenzi, Président du Cercle des Economistes, et Rémy Weber, Président Directeur Général de la Lyonnaise de Banque, le 24 novembre 2008 à Lyon.

Dans cette période de turbulences financières, quels regards peut-on porter sur cette crise et ses conséquences, sur le plan micro mais aussi macro-économique ?

En tant que banquier, qui se revendique chef d’entreprise, Rémy Weber insiste d’emblée sur le fait que cette crise est une crise de l’éthique professionnelle. Un banquier ne doit prêter l’argent qui lui est confié par les épargnants que s’il est convaincu que l’emprunteur sera capable de rembourser. Or il y a eu un excès de distribution de crédit, déconnecté de la réalité économique et sociale. Pour autant, les banquiers ne sauraient être transformés en bouc-émissaires. C’est d’ailleurs la qualité de la relation entre les banquiers et les entreprises et la confiance qui en résulte, qui permettront de sortir de la crise.

La crise est aussi une crise de liquidités, dont la durée dépendra de l’efficacité de l’intervention publique pour restaurer la confiance, de la baisse des prix pour que les actifs redeviennent attractifs, et enfin de la vitesse d’ajustement des stocks. Plusieurs questions se posent alors pour éviter que l’histoire ne se répète : Comment organiser et réglementer les marchés ? Que représentent vraiment les fonds souverains, jouent-ils selon les mêmes règles et comment vont-ils impacter le marché ?

Pour l’économiste Jean-Hervé Lorenzi, qui avouera forcer volontairement le trait, nous sommes dans une crise extrêmement grave, de l’ordre de la dépression plus que de la récession. Il importe de bien comprendre comment elle est arrivée afin de trouver des solutions. Le pire n’est pas inéluctable. Selon la manière dont les gouvernements agiront sur le plan macro-économique, nous pouvons imaginer un monde nouveau, avec d’autres rapports de force, et une répartition différente des richesses économiques dans le monde.

Pour Jean-Hervé Lorenzi, l’année 2008 restera dans l’Histoire non pas comme celle de la crise financière, mais comme l’année où survinrent trois phénomènes majeurs, plus importants car destinés à bouleverser le monde en profondeur : d’une part l’échec des négociations de Doha dans le cadre de l‘Organisation Mondiale du Commerce ; d’autre part l’émergence des fonds souverains, propriété des Etats qui n’agissent plus dans une logique seulement financière, ce qui posera désormais la question de la propriété du capital ; enfin la volatilité extrême des marchés des matières premières, très supérieure à la réalité de l’offre et de la demande, avec des variations de prix de grande ampleur sans explication rationnelle.

Après une mondialisation effrénée, le monde a ralenti en quelques mois de manière incroyable. L’année 2009 risque ainsi d’être difficile, avec une croissance mondiale faible. Ce sera au mieux une année « plate » avant espérons-le un redémarrage, plus ou moins lent, en 2010, ajoute-t-il. Pour lui, il faut oublier l’idée parfois évoquée mais non crédible d’un découplage entre les économies européennes et américaine, entre l’économie américaine et celle des pays émergents.

Pour reprendre le chemin de la croissance, les gouvernants devront régler de multiples problèmes à la fois : absorber des liquidités surabondantes, limiter la volatilité du marché des matières premières, trouver un équilibre dans les échanges de biens et de services.

Les deux intervenants se sont accordés sur un point : la relance est possible si elle est rapide et coordonnée. Les politiques ont pris tardivement conscience de la crise mais l’on peut se féliciter que lors du G 20 les chefs d’Etats et de gouvernement aient mis l’accent sur les plans de relance plus que sur la réforme financière. En laissant de côté – provisoirement – la question des déficits publics, ils semblent décidés à agir vite et fort, avec des plans de relance massifs orientés vers l’offre plus que la demande. Selon Rémy Weber, les banquiers doivent tenir leur rôle en continuant d’accorder des prêts, ni plus ni moins qu’avant. Il faut capter les liquidités de manière intelligente, novatrice, concrète, au profit de la fourniture de services collectifs et d’activités créatrices de valeur ajoutée

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