Zoom Belles Feuilles avec Yann COATANLEM

Cette visioconférence Belles Feuilles autour de Yann Coatanlem avait pour thème :

« Capitalisme, croissance et égalité des chances : triangle impossible ? »

Yann Coatanlem est le co-auteur avec Antonio de Lecea de l’essai Le Capitalisme contre les inégalités, Conjuguer équité et efficacité dans un monde instable.

Voici quelques pistes de réflexions développées lors de cette réunion :

  • L’objectif du livre Le Capitalisme contre les inégalités est de réconcilier les idéologies libérales et progressistes sur la question des inégalités. Si le capitalisme est habituellement considéré comme la source des inégalités, le réformer est possible et doit permettre de conjuguer équité et efficacité. Les inégalités renvoyant aux crises à répétition de plus en plus fréquentes et intenses depuis 20 ans, il est indéniable que leur matérialisation a un impact disproportionné sur les populations les plus défavorisées.
  • Plus d’équité pour plus de croissance. Plusieurs études ont analysé le rôle de l’équité dans la croissance économique. Dans le cas de l’intégration des noirs américains, il a été prouvé que de meilleurs salaires, diplômes, accès au logement et indice de capacité d’investissement pourraient conduire à une augmentation du PIB étasunien de mille milliards de dollars par an (5 % du PIB). McKinsey a mené un travail similaire dans le secteur spécifique de l’industrie cinématographique : si plus inclusive, elle pourrait générer jusqu’à dix milliards de dollars de plus chaque année (7 % du chiffre d’affaire actuel). Dans ce contexte, les pouvoirs publics devraient privilégier les politiques publiques aux taux de rendement les plus élevés. Les travaux de James Heckman ont par exemple montré que l’investissement dans l’aide à la petite enfance (développer l’attention, la concentration et la curiosité des élèves) pouvait générer ensuite des bénéfices quantifiés à 15 % par an et par personne. Des contre-exemples sont aussi observables. À New-York, on compte 65 000 sans-abris par an, pour un coût annuel en dépenses publiques estimé à 2 milliards de dollars. Or le rendement de ces dépenses est nul.
  • Plus de croissance entraîne-t-il plus d’équité ? Certes l’innovation crée des « gagnants », mais elle ne change pas la structure des inégalités dans la population et génère plus de mobilité. La croissance vertueuse n’est pas nécessairement compatible avec le pouvoir de marché excessif dont bénéficient certaines entreprises. Le top 10 % des entreprises a un taux de rendement du capital 5 fois plus élevé que le taux médiant. Ce ratio était seulement de 2 il y a 25 ans. Le top 1 % des exportateurs représentent 67 % des exportations. 1 % des firmes brevetées contrôlent 91 % des brevets (et 98 % des brevets « utiles »). Cette concentration extrême doit motiver une réforme des institutions de régulation et une révision du droit de la concurrence.
  • Quid de la réforme de la fiscalité ? La question de la taxation des plus riches a imprégné le débat sur les inégalités. Or elle est ambiguë : on mélange la question du niveau de l’imposition et celle de sa structure. L’aide sociale est la symétrique de la taxation, mais il y a un manque de cadrage suffisamment précis de ces aides, notamment celles d’urgence en cas de crise. Cela conduit à un accroissement des déficits publics. Ces risques pourraient être atténués avec une meilleure approche ex ante et des mesures préventives. Le revenu universel pourrait jouer ce rôle d’amortisseur avec l’avantage d’un changement de la psychologie des populations et d’une réduction des aides sociales existantes, parfois désavantageuses et stigmatisantes.

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