Visioconférence avec Gérard Araud, Ambassadeur de France et ancien Ambassadeur aux Etats-Unis d’Amérique

Jeudi 21 janvier 2021, l’Institut Aspen France et EY ont eu le plaisir d’accueillir Gérard Araud, Ambassadeur de France, pour un déjeuner géopolitique par Zoom sur le thème : « 2021 : le retour de l’Amérique ? ».

Au lendemain de l’investiture de Joe Biden en tant que 46ème Président des États-Unis d’Amérique, l’ancien ambassadeur de France aux États-Unis nous donne son ressenti et son analyse sur les derniers mois de la présidence de Donald Trump, l’avenir des relations transatlantiques, les relations sino-américaines ainsi que sur les immenses attentes qui pèsent désormais sur les épaules de l’équipe de Joe Biden.

Pour Gérard Araud, la cérémonie d’investiture du nouveau Président restera dans les mémoires au même titre que l’inauguration grave et historique du Président Franklin Roosevelt en 1933. Dans ses mots, l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche représente « la lumière qui vient après l’ombre » et pour beaucoup d’américains, un « soulagement » qui ne doit pas néanmoins faire oublier la crise politique durable qui fragilise la démocratie américaine.

Pour l’ambassadeur, l’élection de Donald Trump est un symptôme d’une crise plus profonde qui touche toutes les démocraties, notamment en Europe où le populisme est toujours très présent. Dès lors, la tâche de rassemblement du peuple américain qui est au centre du programme de Joe Biden s’annonce difficile. Son équipe est pourtant expérimentée et à tendance centriste. Néanmoins, le camp démocrate est tiraillé par des oppositions intérieures qui ne faciliteront pas la tâche au Président.

Notre ambassadeur s’interroge alors sur les capacités du Président Biden à innover et à contrecarrer à la fois ces tendances divergentes dans son camp et à aller chercher des alliés dans le camp républicain. Pour commencer, trois grands changements seront opérés par la présidence dès les premiers jours selon Gérard Araud, en premier lieu, jouer sur la relance par la dépense publique en adoptant une approche économique keynésienne. Dans un second temps, la question de l’environnement reviendra au centre des discussions. Enfin, on peut s’attendre à ce que la politique diplomatique étasunienne « revienne à la normale ».

Sur ce dernier point, les européens émettent beaucoup d’attentes à l’égard du Président Biden avec l’espoir d’un renouveau des relations transatlantiques. Mais Gérard Araud nous fait part de ses doutes sur la question du commerce et des échanges avec les États-Unis. Pour lui, une vague anti-échanges s’est installée outre-Atlantique, notamment dans l’aile gauche du camp démocrate qui risque de compromettre le commerce ainsi que ses règles établies par l’OMC. Cette tendance au retrait des États-Unis des affaires européennes s’est amorcée sous le mandat de Barack Obama et pourrait se poursuivre avec la présidence Biden. A l’instar du retrait commercial, les questions militaires à travers l’OTAN seront également secondaires pour notre allié américain.

C’est pourquoi, pour Gérard Araud, l’Europe doit plus que jamais être proactive dans la reconstruction des relations transatlantiques et se positionner de façon unifiée et stratégique dans cette période de compétition technologique, politique et commerciale entre la Chine et les États-Unis. En effet, pour l’ambassadeur, l’opposition entre la Chine et les États-Unis va structurer durablement l’ordre international et révéler les forces mais aussi les faiblesses et les menaces auxquelles nos systèmes démocratiques libéraux sont confrontés.

 

 

Gérard Araud est unanimement considéré comme le plus brillant de nos Ambassadeurs. Secrétaire d’Ambassade à Tel Aviv (1982-1984), en charge des questions du Moyen Orient au CAP du Ministère des Affaires Etrangères, Conseiller à l’Ambassade de France à Washington (1987-1991), sous-directeur des affaires communautaires au MAE (1991-1993), conseiller diplomatique du Ministre des Affaires Etrangères, délégué de la France auprès du Conseil de l’Atlantique Nord (1995), Directeur des affaires stratégiques, de sécurité et du désarmement du MAE (2000), Ambassadeur de France en Israël (2003-2006), Directeur général des affaires politiques et de sécurité, secrétaire général adjoint du MAE (septembre 200, fonction dans laquelle il négocie pour la France le dossier nucléaire iranien), Représentant permanent de la France au Conseil de Sécurité et chef de la mission permanente de la France auprès des Nations Unies à New York (juillet 2009). Il négocie notamment les résolutions marquantes sur l’Iran, la Lybie (qui permettront l’intervention militaire en Lybie en 2011), la Syrie, la Côte d’Ivoire, le Mali. Il est nommé en juillet 2014 Ambassadeur aux Etats-Unis. Il prend sa retraite du Quai d’Orsay au printemps 2019. Gérard Araud a publié sous pseudonymes des articles dans les revues Commentaire et Esprit et tiendra une chronique pour Le Monde à partir de septembre 2019.  Il est l’auteur de Passeport diplomatique ; Quarante ans au Quai d’Orsay (Grasset, 2019).

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