[Live-report] La 11ème édition du Forum Aspen Europe-Afrique met en lumière le futur du numérique

Mercredi 3 et Jeudi 4 décembre l’Institut Aspen a réuni à Paris des représentants politiques, des entrepreneurs et des chercheurs autour de la question des nouvelles connexions et des nouveaux enjeux qui relient les deux continents. Deux jours de présentations prestigieuses et de débats riches, regardant droit vers l’avenir et ponctués par deux moments à la fois et élégants : un concert de Kathia Buniatshvili au Quai d’Orsay et une conférence du président ivoirien Alassane Ouattara.

Le Forum Aspen Europe-Afrique s’est ouvert sur les résultats d’une étude menée par McKinsey spécialement pour l’événement et qui mettait l’accent sur les implications de la révolution numérique pour le continent africain et ses partenaires européens. En Afrique, 21 personnes sur 100 sont désormais connectées à Internet, c’est par le téléphone mobile que le continent rejoint à toute vitesse le monde entier sur Internet: 70 africains sur 100 ont aujourd’hui un mobile et ils seront presque 95 en 2017, selon l’étude. Comme le faisait remarquer la directrice de la Fondation Zinsou (qui expose des artistes béninois à Ouida où elle a touché plus de 4 millions de visiteurs), Marie-Cécile Zinsou, alors que 42 % des africains seulement ont accès à l’électricité, la révolution du téléphone mobile appuie encore sur certains contrastes d’un continent où de nombreuses infrastructures physiques manquent encore mais où l’information circule à toute vitesse. L’objectif du forum était, dans le contexte de pays à population jeune et optimiste (84 % des africains auraient confiance que leur situation s’améliore dans les deux ans, comme le rapportait Diane Binder, la directrice du programme Aspen Europe-Afrique), aux taux de croissance très divers, mais qui en moyenne dépasse celle des autres continents depuis dix ans, d’étudier les perspectives de croissance que permet cette mutation, ainsi que d’imaginer les nouvelles connections avec l’Europe qu’elle permet d’établir.

A l’aune de ces chiffres, le forum s’est ouvert selon les méthodes de ce think thank non partisan & international qu’est le Aspen Institute : autour d’une grande table ronde, où ministres, chercheurs, entrepreneurs et « jeunes leaders d’avenir » (douze jeunes entrepreneurs reliant les deux continents) ont échangé avec vivacité (pas plus de 7 minutes par intervention) des idées importantes, souvent venues du terrain. Chacun a pu se sentir d’autant plus libre de parler que si le fond des débats a pu être rapporté, la règle du jeu interdisait de transmettre les propos d’un intervenant en donnant son nom.

6 différents ateliers ont eu lieu. Le premier permettait de mieux saisir comment le numérique et les mobiles permettent de pallier le déficit de bancarisation du continent, ouvrant sur les questions clés de la confiance et du partage. Le deuxième posait la question de l’énergie et de l’environnement, en donnant plus de flexibilité à la dichotomie énergie normale et verte, et en mettant l’accent sur le bénéfice qu’un transfert de technologies venu d’Europe pourrait apporter à l’Afrique, notamment en matière de recyclage. Lors de cette discussion, la nécessité pour les Etats africains d’instaurer des politiques publiques accompagnant la croissance et le besoin d’énergie a été rappelée sous la formule très populaire de « plans marchaux » (pluriel du plan Marchall et de son effet sur l’Europe d’après-guerre).

Les débats du mercredi ont duré au maximum laissant juste le temps aux convives de partir pour se changer en dix minutes et être à l’heure à la réception organisée en leur honneur par Laurent Fabius au Quai d’Orsay. Dans les ors de la République, la grande pianiste Kathia Buniatshvili, dos nu et fougue en tête, a offert aux convives un festin de Chopin, Liszt, Debussy et Ravel. Au cocktail, l’on pouvait découvrir les masques traditionnels béninois revus par un des artistes présentés à la Fondaion Zinsou : Kifouli Dossou. Le président de l’Institut Aspen France s’est exprimé sur la mission du think tank, remerciant le ministre des Affaires étrangères de recevoir les convives du Forum Europe Afrique avec humour et chaleur :   »Si on est diplomate a l’extérieur, on est artiste à l’intérieur ». Ce dernier, entouré par Diane Binder, Kathia Buniatshvili et Marie-Cécile Zinsou, semblait aux anges et a fait un joli discours lettré et optimiste.

Le lendemain, retour au travail, avec le sourire. La troisième table-ronde traitait de questions de santé, avec – malgré Ebola- un certain optimisme et un bon espoir que les nouvelles technologies, notamment par applications mobiles comme Hello Doctors permettent un meilleur accès au diagnostique et aux soins. Sur la  question de l’éducation, la tendance à la privatisation pour plusieurs pays pose questions, et ici encore le numérique permet déjà de pallier certains chaînons manquants dans les infrastructures avec les cartables numériques, les MOOCS (les cours de l’EPFL au Bénin, par exemple). Le numérique permet également une plus grande circulation de la culture et donc d’ancrer les savoirs et les choix politiques, avec une vraie question sur la croissance des contenus et des œuvres « made in Africa », tandis que la dernière session pavait le chemin de nouveaux partenariats entre Europe et Afrique à travers la question des infrastructures à mettre en place.

C’est avec beaucoup de fluidité qu’une conférence de presse a permis à Diane Binder et aux Jeunes leaders d’avenir (chargés de résumer les sessions) la substantifique moelle de ce qui s’était dit pendant deux jours, tandis que le « président-citoyen » et ancien du FMI, Alassane Ouattara, est arrivé pile à l’heure pour clore la conférence, par un constat plutôt optimiste sur son continent, pas mal d’humour (il a dit  avec le sourire aller voir sur les réseaux sociaux ce qu’ « il ne faisait pas bien » en se renseignant sur les critiques que ses adjoints ne lui remontaient autrement pas), et une très belle séquence d’émotion quand il a évoqué le moment où il a du se réfugier et se barricader des menaces qui ont suivi son élection, et rester reclus pendant plusieurs semaines avant de prendre réellement ses fonctions. Parlant de son action pour enterrer les 3000 morts de cette crise terrible et récente et relancer le pays (qui a connu près de 10 % de croissance en 2012, selon les chiffres donnés par Cyril Benoît), il a fini d’émouvoir et séduire l’assemblée. Un beau témoignage, dont l’énergie constructive résume bien ces deux jours de réflexions sur l’Afrique et sur les passerelles que celle-ci est en train de construire avec l’Europe.

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