OÙ VA AUJOURD’HUI LA RUSSIE ?

Lyon, 28 avril 2009

Entretien avec Georges Nivat et Marie-Hélène Bérard

 Pour comprendre la situation et les perspectives de la Russie, l’Institut Aspen France a invité deux spécialistes : le professeur Georges Nivat, recteur du Centre Universitaire Lomonossov à Genève, filiale de l’Université d’Etat de Moscou, et professeur honoraire de l’Université de Genève, et Marie-Hélène Bérard, fondatrice et présidente de MHB SA, société d’investissement et de conseil spécialisée dans les pays de l’Est.

 Les deux intervenants ont souligné combien les médias occidentaux ne rendaient compte que très partiellement – et partialement souvent- de la réalité russe, à la fois très diverse et très complexe.

Un pays où règnent les superlatifs

Marie-Hélène Bérard d’abord rappelé que cet immense pays – trente fois la France, onze fuseaux horaires – recèle d’immenses richesses, comme ses réserves de gaz et de pétrole. En même temps, il est vrai que, malgré l’immigration, la population est en déclin : seulement 140 millions d’habitants, avec une espérance de vie de 60 ans pour les hommes et de 73 ans pour les femmes. Ce pays fédéral frappe aussi par sa diversité, mosaïque de 134 nationalités, composé de 89 « sujets » – régions, républiques et autres entités juridiques aux statuts très divers. C’est dans ce contexte qu’il faut considérer l’action de Vladimir Poutine, du temps de sa présidence : une tentative de mettre un peu d’ordre dans le pays pour qu’il puisse fonctionner.

La Russie pourrait sortir renforcée de la crise

La crise financière actuelle rend la Russie particulièrement vulnérable du fait de l’endettement des entreprises et des banques d’une part et de la faiblesse de l’épargne domestique d’autre part. Les recettes pétrolières et gazières ont cependant permis de constituer un fonds de réserve qui permet d’amortir la crise.

Les entreprises étrangères qui poursuivent leurs projets en Russie constatent que l’industrie s’est beaucoup développée ces dernières années. Aujourd’hui, on peut trouver de tout en Russie, même si c’est parfois à un prix inabordable pour certains. La Russie, estime Marie-Hélène Bérard, a une chance de sortir renforcée de cette crise dans la mesure où celle-ci accélèrera la restructuration, et ce faisant les gains de productivité, des secteurs industriels autres que le pétrole et le gaz.

Des espaces de liberté se forment peu à peu

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Prenant la parole à son tour pour évoquer la situation politique, le professeur Nivat a constaté l’absence de vie politique au sens où nous l’entendons, puisque le pouvoir se méfie des partis et que les Russes ne s’intéressent pas comme nous à la politique. Selon lui, l’acharnement de Moscou contre l’ancien dirigeant du groupe pétrolier « Ioukos », Mikhail Khodorkhovski, condamné à huit ans de camp, s’explique par la volonté de ce dernier de peser sur la politique de son pays.

Pour le professeur Nivat, il existe cependant une opposition : simplement, elle n’est pas politique et prend la forme de mouvements de protestations sur des questions précises, dans les villes par exemple.

 

On déplore également des incidents, une grande violence de la part de militants nationalistes et racistes par exemple, regrette le professeur Nivat. Pour autant, le niveau de violence et de cruauté, présents depuis toujours en Russie, diminue, selon lui et on ne peut parler d’insécurité généralisée.

Et surtout, il existe aujourd’hui de réels espaces de liberté, notamment dans le domaine culturel, conclut le professeur Nivat.

POST-SCRIPTUM

Auteur de nombreux ouvrages qui font autorité, Georges Nivat travaille actuellement à la publication d’une série d’ouvrages sur « Les sites de la mémoire russe ».

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