Rencontre avec Régis Koetschet, Ambassadeur de France en Afghanistan de 2005 à 2008.

Lyon 23 juin 2009

Rencontre avec Régis Koetschet, Ambassadeur de France en Afghanistan de 2005 à 2008.

L’Afghanistan est au cœur d’une région où se joue une grande partie de l’avenir de notre monde.

Le 20 août 2009, les Afghans éliront – ou rééliront – leur président : les enjeux de cette élection sont nombreux et divers : : ce pays qui est un carrefour, (« les oiseaux migrateurs s’y croisent » a rappelé Régis Koetschet) est le lieu de rivalités multiples. Les multiples conflits opposent à la fois groupes terroristes, forces armées, trafiquants de drogue, sunnites, chiites, talibans et forces de l’OTAN. C’est aussi indirectement un lieu d’affrontement entre Russes et Occidentaux, Indiens et Pakistanais.

Pour comprendre ces enjeux, il est nécessaire de remonter le cours du temps : les liens de l’Afghanistan avec la France –et notamment la ville de Lyon- sont anciens !

  • Historiquement, dès 1920, le roi Amanullah, le 1er roi de la réforme décide de venir en Europe et d’ouvrir son pays. Il tisse des liens dans les domaines de l’éducation et de l’archéologie, des équipes françaises vont en Afghanistan.
  • En 1978, les communistes prennent le pouvoir, bientôt aidés par les Soviétiques, qui interviennent l’année suivante. C’est un moment-clé, c’est à ce moment-là que se créée la résistance afghane. Les soviétiques partent, c’est la guerre civile, bientôt les Taliban prennent le pouvoir jusqu’en 2001. Toute une génération qui a subi ces destructions et n’a connu que la guerre, n’a aucun repère aujourd’hui.
  • Dans les années 80, au moment où le général Zia Ul Haq est au pouvoir au Pakistan, ce pays abrite la plus grande concentration de réfugiés. Ces camps gigantesques sont devenus de véritables villes. C’est une époque où l’Afghanistan est oublié du monde, à l’exception entre autres des « French doctors. »
  • Dans sa dimension régionale ce pays a longtemps été un carrefour entre l’empire russe et l’empire des Indes. C’est aussi un pays qui a une frontière avec l’Iran à l’ouest et avec la Chine, au nord-est avec ce corridor du Wakhan qui forme une zone tampon entre la Russie et la Chine.
  • Ce qui est en jeu dans ce pays concerne à la fois la sécurité et le développement. La présence des forces étrangères se heurte à la difficulté de durer. En outre, c’est aux Afghans de décider, c’est à eux d’assurer leur propre sécurité.
  • D’après Serge Michailof (voir « les sept péchés capitaux de la communauté des donateurs en Afghanistan »), en 2001, la communauté internationale a voulu aller trop vite, mais l’Afghanistan est un pays où rien ne peut se faire rapidement. Certains Occidentaux ont pensé que créer des institutions créerait une vie politique et créerait ensuite la paix. Or, un développement institutionnel est long. La réponse est entre les mains des Afghans. A eux de s’approprier cette aide, qui existe et dont les réalisations sont importantes, dans le domaine de la santé, de l’éducation et des infrastructures.

Pour Régis Koetschet, « Il faut à la fois créer un présent et recréer le passé – l’identité. C’est pourquoi la culture est importante. » Sur le plan économique, l’Afghanistan reste un pays extrêmement pauvre : le manque d’infrastructures, notamment en matière de transports, entrave le développement. En outre, la destruction d’installations comme les systèmes d’irrigation indispensables à l’agriculture, a contribué à l’appauvrissement de certaines régions. Incontestablement, des progrès sont réalisés, conclut l’ancien ambassadeur. Mais il faut savoir que la reconstruction de l’Afghanistan prendra beaucoup de temps.

 POST-SCRIPTUM

« Lorsque le voyageur venu du sud aperçoit Kaboul, sa ceinture de peupliers, ses montagnes mauves où fume une fine couche de neige et les cerfs-volants qui vibrent dans le ciel d’automne au dessus-du bazar, il se flatte d’être arrivé au bout du monde. Il vient au contraire d’en atteindre le centre » Nicolas Bouvier, L’usage du monde, Paris 1963, éd. Payot 2001

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