RENCONTRE AVEC JEAN-PIERRE JOUYET

Déjeuner avec M. Jean-Pierre Jouyet, Président de l’AMF et Président du Conseil de Surveillance d’Aspen France, le 13 janvier 2012. Dans le cadre du thème annuel du club (« le temps long et l’action »).

 Dans le domaine de la régulation financière, l’exemple le plus marquant est ce qui a été accompli vis-à-vis des règles prudentielles : renforcement des exigences de solvabilité et de fonds propres des banques. Des faillites publiques et privées ont ainsi été évitées, mais cela n’a pas amélioré le financement à long-terme de l’économie.

En France, les seules réformes d’envergure entreprises ces dernières années concernent l’enseignement supérieur et la recherche. Pour le reste, on est resté dans des schémas court-terme, en ne modifiant ni la protection sociale, ni le droit du travail, et en privilégiant le temps médiatique.

Pourtant, ce qui engage le monde à long terme, ce sont les effets structurants des bouleversements mondiaux. Les gouvernements occidentaux, dont le temps est intrinsèquement séquencé par les échéances électorales, appliquent des solutions court-terme. D’autres gouvernements eux ont le temps et le sens de la durée, notamment en Asie. Nous courons le risque de nous retrouver dans une situation de dépendance. Le cadre approprié pour penser le long-terme est l’Union Européenne. Mais il manque la volonté, la stratégie et les moyens pour des actions de long-terme à l’Europe. L’exemple des télécoms et de Nokia illustre l’absence de projet européen émergeant dans le domaine de la technologie.

Quelques éléments notés dans les Questions/Réponses :

- Le gros avantage des USA est qu’ils n’ont pas d’interrogation sur la légitimité de la représentation démocratique de leurs institutions, contrairement à l’Europe. Tant que cette question de légitimité ne sera pas réglée en Europe, celle-ci ne pourra pas être aussi forte.

- La question environnementale est par essence un sujet long terme. Les marchés ont montré un peu d’intérêt pour cette question à la suite à l’élection de Barack Obama, puis plus rien. Le « paquet environnement » a été un succès à l’échelle européenne, mais depuis il ne se passe plus rien et l’Europe a pris beaucoup de retard. C’est l’un des secteurs dans lesquels les Etats ont une grande responsabilité : ils veulent garder la maîtrise des quotas et réguler eux-mêmes. Il est néanmoins probable que la pression des marchés conduise à la mise en place de tels instruments de régulation.

- On a l’impression que le reste du monde fait confiance à l’Europe, tout en lui demandant de s’organiser. Les autres pays font plus confiance à l’Europe que l’Europe n’a confiance en elle !

- Tant que les Etats dépendront des marchés financiers et des entreprises qui, par nature, fonctionnent à court-terme, cela pourra-t-il changer ? Les Etats doivent impérativement retrouver leur indépendance ! Nous avons confié l’épargne collective à des organismes courtterme… alors même que l’Europe est le premier bassin d’épargne mondial. Il faut rendre les marchés moins court-termistes en les réorganisant et en accroissant leur transparence.

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