RENCONTRE AVEC JEAN-CHRISTOPHE FROMANTIN

Résumé du dîner du club QQFM avec Jean-Christophe Fromantin, député-maire de Neuilly-sur-Seine, président et fondateur de la société Export Entreprises, le 20 février 2013, à Paris. Dans le cadre du thème annuel du club (« le temps long et l’action »).

 Jean-Christophe Fromantin a publié deux ouvrages issus de son expérience d’entrepreneur dans le domaine des services à l’export, expérience qui lui a donné une position d’observateur privilégié de la mondialisation et de ses effets : Mon Village dans un monde global : la place de la France dans la mondialisation (Bourin Éditeur, 2011) et Le Temps des territoires (Bourin Éditeur, 2012).

Les réflexions publiées par Jean-Christophe Fromantin trouvent leur source dans l’observation des besoins des PME, qui bien souvent illustrent la puissance de la capacité entrepreneuriale. Il y défend l’idée selon laquelle il faut réinvestir nos territoires pour conserver cette vitalité entrepreneuriale et lui donner une nouvelle dynamique dans la mondialisation.

Economie modulaire vs économie intégrée

L’attractivité d’un pays et sa compétitivité ont été analysées dans l’ouvrage de Suzanne Berger Made in Monde (éd. du Seuil, 2006). Le développement d’une « économie modulaire » peut déboucher sur une meilleure combinaison compétitive que celle qu’on observe au sein d’une économie intégrée. Il est intéressant de comparer les apports du système « modulaire » développé dans l’industrie automobile allemande par rapport à un système français beaucoup plus intégré. Chez les Allemands, ce système permet un réinvestissement des gains dans le design, l’exigence de qualité, etc.

La comparaison entre Sony et Apple fournit un autre exemple éloquent : Sony a un modèle très intégré alors qu’Apple fait travailler plus de 200 équipementiers en Asie et 20 000 contributeurs qui développent ses applications. A cet égard, il est indispensable qu’un territoire ait un dense réseau de connections avec le reste du monde afin d’exploiter au mieux ce concept de « modularité » rendu possible par la mondialisation.

Performance économique et organisation des territoires

Il existe deux types de territoire : les territoires productifs d’une part, et les métropoles d’autre part, caractérisées par la place prédominante occupée par le design, le marketing, la recherche, les activités de conception, etc. L’expérience des circuits de distribution courts dans le domaine agricole et la volonté napoléonienne de permettre à toute la population d’être à moins d’une journée de cheval de la préfecture lors de la création des départements sont très instructives.

Tous les Français devraient être à moins de 90 min d’une métropole. Celle-ci n’a de sens que si elle est connectée aux zones rurales à faible densité de population, qui doivent faire valoir leurs forces (aménagement du territoire, logement, qualité de vie, etc.). Le tissu industriel allemand est structuré autour de métropoles fortes qui ont un rayonnement régional. Une étude de l’Institut Thomas More a montré que, rapporté à son PIB, la France « consomme » 163 milliards d’euros de plus de dépenses publiques par an que l’Allemagne en raison de cette différence d’organisation territoriale.

Trois niveaux d’organisation territoriale sont nécessaires :

- une échelle locale, au niveau intercommunal (qui doit résulter d’une fusion des communes) ;

- une échelle sociale (« guichet social ») ;

- une échelle économique.

Europe des Régions

L’Europe des régions est un thème clé et la France est terriblement en retard. En 2012, contrairement à l’Allemagne, la France n’a pas consommé tous ses crédits régionaux en raison de son système dévaluation centralisé qui devient un réel goulot d’étranglement.

Trois leviers peuvent être actionnés pour renforcer la dimension européenne des territoires :

- relier les métropoles européennes entre elles (mobilité à grande vitesse) ;

- créer un pôle européen du commerce extérieur et abandonner les approches nationales, ce qui permettrait d’accélérer la convergence des fiscalités européennes et de la standardisation, de projeter dans le reste du monde une représentation européenne, d’augmenter notre pouvoir de négociation sur les normes et les barrières tarifaires.

- rebâtir des clusters d’innovation à l’échelle européenne.

De plus, il faut cesser de ponctionner les budgets nationaux pour alimenter le budget européen et plutôt construire le budget européen directement à partir des éléments de fiscalité nationale (i.e. x% de la TVA et y% de l’IRPP iraient à l’UE).

Commerce extérieur et NTIC

Les technologies de l’information sont trop faiblement utilisées dans les politiques publiques d’exportation françaises. Ces technologies sont primordiales pour le référencement des produits et pour la création de places de marché (voir par exemple la plateforme Alibaba, qui recense 35 millions de produits sur le web et qui représente 15% des ventes en ligne).

Cinquante mille entreprises françaises sont présentes et référencées sur Alibaba : pourquoi n’y a-t-il pas encore de grande place de marché en France ? Les Italiens ont supprimé leur administration du commerce extérieur ; les Allemands ont remplacé leurs fonctionnaires par des agents… La France a encore du chemin à faire.

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